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où le prince Youssouf Khemal entretient un véritable palais de pigeons. Ils sont là-dedans par milliers : leurs vols parfois obscurcissent le ciel. Le nom de l'endroit signifie d'ailleurs "Château du chasseur". L'endroit était fameux autrefois par les oiseaux sauvages qui s'y donnaient rendez-vous. La montagne se rapproche plus loin du rivage pour la dernière fois avant Thèbes.
Peu après le village, sur le bord du fleuve parmi les cultures est le joli couvent avec clocher de Saint Pacôme, à moins, comme le veut Saleh, que ce ne soit celui de Saint [Schenadi ?].
C'est l'heure du couchant. Le disque du soleil ce soir est presque blanc, au moins dédoré et sans rayon, une grande hostie : il va descendre à l'horizon et, à cause de coude du fleuve, il a l'air de s'être déplacé de l'ouest à l'est. Avec les éventails de palmiers se dessinant sur l'horizon ambré, cela constitue un spectacle inoubliable, si l'on y joint le miroir magique du fleuve réfléchissant toute cette beauté. Et tout le pays a l'air si riche sur les deux rives. L'air fraîchit, la brise du soir s'élève. J'ai déjà remis mon chandail. La journée a été délicieuse. Et toujours cette frise vivante, découpée en noir sur fond lumineux, des troupeaux, vaches, brebis, buffalos ou chameaux que l'on ramène le soir vers les étables, le long de la berge, avec une femme en voiles noirs derrière, ou un gamin en robe longue, ou un fellah à turban semblable à un mage, à un roi oriental, à un roi pasteur, sa longue houlette à la main. C'est d'une grandeur inexprimable. La lune par contre a l'air de se lever à l'ouest. Sa lumière brille déjà dans le ciel encore éclairé, et des bateaux chargés d'hommes en turban et en robe noire passent sur la nappe