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32 installé avec sa femme au bourg de Plouaret, celle-ci, qui venait de perdre un enfant à la mamelle, vit arriver chez elle à cheval le

notaire Lhévèder, lequel déposa sur la table

un paquet, un paquet vivant :

— Tiens, Jeanne, dit-il, je t'apporte ceci. Ma femme ne peut plus nourrir et toi tu n'as plus d'enfant à qui donner ton lait. Soit donc la nourrice de ce petit.

— Impossible, dit-elle. J'ai trop à faire. Tous les soirs il faut que je prépare la nourriture d'une quarantaine d'ouvriers et je ne peux pas suffire à tout (A cette époque, Hernot travaillait à l'église de Lanvellec et il donnait à manger à ses ouvriers qui rentraient à Plouaret tous les soirs).

— Il faudra pourtant que tu me rendes ce service, insista le notaire.

Et, sans attendre la réponse, il sauta hors de la maison, enfourcha sa monture, et, piquant des deux, s'en retourna vers Loguivy- Plougras. Force fut à Mme Hernot de nourrir l'enfant de son amie. Cet enfant devint plus tard le père Jésuite Lhévéder. Il disait toujours à Yves Hernot :

— Nous sommes des frères de lait.

Telles étaient les mœurs bretonnes à ces époques encore récentes et pourtant bien surannées. — Quel délice d'entendre le fils évoquer ainsi la vie de son père, dans la petite salle à manger de la maison où Hernot recevait jadis ses clients et, tout en leur faisant boire un verre de cidre et manger un morceau de pain beurré, essayait sur eux l'effet de ses chansons bretonnes, au gd ennui de sa femme qui entrouvrait la porte pour lui crier :

— N'embête donc pas ces gens-là, Ervoan ! Il était convaincu au contraire qu'il les intéressait.