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à la démarrer, sans plus amples explications, quand un marchand qui était à bord lui cria :
— Qu'est-ce que vous faites là. Laissez cette barque et remontez : c'est la mienne, je vous ramènerai à terre.
L'infirmier remonta, on but avec le marchand. L'infirmier disait à Lebeau qu'il aurait gagné la côte à la nage (à onze heures du soir et dans cette eau glacée) plutôt que d'être porté comme déserteur. C'eût été une sale histoire, en effet, s'il avait été obligé de faire route avec le steamer jusqu'à Leith (Le prix du passage, aller et retour, 150 F).
Dans l'hôtel de Reikiavik, cet infirmier servait de truchement à Lebeau : celui-ci fit demander par lui à une servante très jolie, de teint pâle si elle voudrait venir en France : elle répondit qu'elle aimait trop l'Islande pour la quitter jamais. Nationalisme islandais : ils sont très chauvins, très chatouilleux en fait d'amour-propre national : ils n'aiment pas les Danois, se considèrent par rapport à eux un peu comme les Irlandais par rapport aux Anglais. Le médecin chez qui Lebeau fut hospitalisé lui parla beaucoup de l'Irlande et rappela le meurtre de Lord Leitrim qui est décidément populaire partout, puisque le récit en a pénétré jusqu'en ces solitudes des pentes du Snefells. — Très instruits relativement, les Islandais : il n'y a pas dans toute l'île, sur une population de 80000