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[indiqué sur la page de l'agenda portant la date du samedi 21 mars]
J'ai encore eu mal à la gorge toute la nuit, mais lorsque je suis sur pied, je souffre moins. Levés à 7h1/2 nous nous sommes trouvés en face de la haute montagne blanche et jaune qui suit pendant si longtemps la rive droite en la surplombant. Dehors, il fait froid, d'un froid aigre, comme en mars de chez nous. Le vent continu à souffler du Nord, et l'on sent que nous remontons décidément vers le Nord, quoique avec précaution, car cette partie du fleuve où nous sommes est particulièrement basse, et les eaux ont d'ailleurs baissé en général d'un pied et demi depuis notre descente vers le Sud. Nous venons de passer l'Arabia, partie du mouillage deux heures avant nous et échouée en travers du fleuve avec son extraordinaire docteur que je retiens, comme un joli spécimen de la médecine anglaise à bord des Cook. Et Saleh prétend, le malheureux, que c'est le meilleur ! Après déjeuner, nous avons dû nous arrêter contre la berge, parce que l'Arabia, qui ns avait dépassés, s'était de nouveau échouée en travers du chenal et qu'elle ne nous laissait pas assez de place pour passer. Harry est descendu à terre avec les girls et son fusil. Nous, nous lisions ou écrivions que le deck, lorsque soudain, un violent coup de vent du Nord s'est déchaîné sans crier gare, soulevant en une tempête le sable cendré de la berge. Nous avons dû nous réfugier au plus vite dans le salon. Tout le ciel et le paysage était comme noyé de sable. On comprend, après cela, combien vite le désert a pu ensevelir de sépultures humaines sous son fin et silencieux linceul. Et les Egyptiens sans doute le savaient, eux aussi, et qu'aucune tombe, aucune pyramide n'est à l'abri de cette immersion par le sable, - poussière de la nature recouvrant la poussière humaine. ( V. 2 février)