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[indiqué sur la page de l'agenda portant la date du jeudi 19 mars]
Oh ! l'adorable matin ! Mary a raison de dire que c'est comme un rêve. Tout y est si léger, si pur, si délicieusement indiqué d'un trait lumineux. Il est sept heures à peine : une brise, douce comme une respiration ensoleillée, se joue dans l'air infini. Les chadoufs sont déjà au travail : la chanson des hommes, faite d'un cri, toujours le même, monte des tranchées d'humus où l'eau s'égoutte. Un bateau en chantier sur la berge laisse passer des raies d'azur entre ses planches légères. Des troupeaux de brebis noires longent la berge, conduits par un enfant. Quand les vases des chadoufs sont de fer blanc, ils brillent un instant avant de se renverser. Les voiles des bateaux prolongent une grande ombre longue sur le sable des grèves. Les rames semblent en or, comme dans la nef [d'Anvon?], quand elle allait de Karnak à l'autre rive. Nous allons tout à l'heure arriver à Baliana d'où nous gagnerons Abydos, - Abydos, la ville sacrée d'Osiris, qui est censée posséder sa tête et vers laquelle se dirigeaient autrefois tant de pèlerinage, vers le dieu par excellence, le vrai prédécesseur d'Allah, qui comme le Christ, avait connu sa " Passion ". De Badiana à Abydos, il y a qque 8 milles. A la limite du désert, après avoir traversé de riches cultures, tout une merveilleuse plaine agricole, on arrive, sur la bordure du désert (attraction du désert sur les anciens Egyptiens) au village moderne de Al-Araba que les indigènes appellent Arabt-el-Madfrena, " Arabat des Enterrés ", dont les habitants passent pour être médiocrement accueillants aux étrangers, Abydos était jadis la plus importante cité de la Haute-Egypte, occupait le 1er rang après Thèbes ; d'après Plutarque, plusieurs endroits se targuaient de posséder le corps d'Osiris, mais Abydos et Memphis réclamaient pour elles le corps authentique, et c'est pourquoi, dit-il (V. 25 janvier)