4:50:4307
47 Ce dimanche 25 décembre Jour de Noël 1910 Je suis à Paimpol depuis hier avec Robert et Reine Anne. Nous avons assisté cette nuit à la messe de minuit dans la vieille église marine d'où les fidèles vont bientôt émigrer vers l'église neuve. L'édifice était comble. Hommes, femmes, enfants même, tous étaient là - On chantait faux dans le chœur, mais tout le monde chantait : et c'était curieux d'entendre les syllabes latines sur les lèvres de ces femmes illettrées. Elles savaient tout l'office par cœur. Au moment du gloria in excelsis, les cloches se sont mises en branle et un large carillon s'est répandu sur la ville, dans la nuit si compacte que l'on voyait à peine devant soi dans la rue (d'autant qu'on éteint l'électricité à partir de minuit). Le vieux bedeau, le père Gaillard, appuyé sur sa hallebarde maintenait la porte ouverte, par où l'air nocturne entrait par grands frissons. Typique, ce père Gaillard, avec ses côtelettes blanches sur sa grosse face pourpre, sérieux d'ailleurs et ayant le sentiment de son importance, rappelant à l'ordre les gens qui bavardent. A retenir aussi la loueuse de chaises, seule debout et ambulante, avec sa cocotte paimpolaise, parmi les gens assis. Elle fait cela, paraît-il, pour l'amour de Dieu et du curé Fromal.