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Saint Malo.- 1898.
Venu cette après-midi du 6 août,- Samedi, veille des fêtes, au Grand-Bé. J'ai tenu à faire mon pèlerinage privé, mon pèlerinage du coeur, avec toute ma piété littéraire. M. Louis Boiviu, rédacteur au Salut a bien voulu m'accompagner et me servir de guide. Nous sommes descendus par la porte du Champ-Mauvert, vers la plage où commence le sentier pavé qui mène au Gd-Bé. L'ilôt dresse devant nous sa croupe d'un vert effacé, d'un vert blondi sur lequel ont passé les brûlures du soleil. Quantité de Malouins ou d'étrangers ont fait comme nous et je le regrette. J'aurais voulu me trouver là-bas presque seule. Quelque cent mètres de grève et ns voici à l'ilôt.- le vrai ilôt breton, rien d'apprêté, le même aspect de solitude sauvage que s'il s'agissait de quelqu'un de ces morne de la mer qui se dressent par places le long de la côte bretonne. Le sentier monte au flanc du roc, parmi les herbes couchées où sont flétries à cette heure les fleurs roses du gazon marin que Flaubert se plut à y cueillir. Un rempart en ruines aux massives pierres descellées, est toute la trace humaine qui se voie ici ; une porte à fronton découronné se dresse hors des herbes et des longues graminées. Nous logeons en ruines et traversons la crête de l'ilôt. La vue d'ici est incomparable. La couronne de villes érige derrière nous sur la côte ses clochers, ses cheminées, les pignons ajourés de ses villas, et St Malo bombe ses remparts, fait presque éclater son massif corselet de pierres - Un rempart contourne l'île vers le N. On le traverse par une brèche sur l'un des bords de laquelle on a la malencontreuse idée de dresser une sorte d'estrade en planches à laquelle travaillent des ouvriers au moment où nous arrivons. Qu'il eût été mieux de parler du haut du talus abrupt, sans aucun de ces vilains apprêts ! On descend un peu. Voici le