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" Après les arènes, le monument le plus ancien de Poitiers est l'édifice singulier connu sous le nom de Temple Saint-Jean. Les nombreuses dissertation auxquelles il a donné lieu et un rapport M. Vitet, mon prédécesseur, me dispensent d'en faire la description. Je me contenterais de vous entretenir des réparations qu'on y fait depuis qu'une allocation de notre département vient d'en assurer la conservation, et d'examiner brièvement les différents systèmes présentés sur son origine. D'après la décision prise récemment le temps Saint-Jean doit être un musée. Il m'a semblé que dans les travaux qu'on y a exécutés on avait été préoccupé plutôt de le rendre propre à cette destination, que de lui conserver son aspect et son caractère original. Le long des murs, afin de placer des statues, on a établi un soubassement en maçonnerie, revêtu de pierres de taille qui ont l'inconvénient de cacher le bas des colonnes engagées dans les parvis, a celui de rétrécir les dimensions à la salle principale. Des sellettes mobiles en bois eussent été préférables. au milieu de l'apside, on a élevé également un socle en maçonnerie d'un si grand diamètre, qu'il en remplit presque tout l'intérieur. Bien que cette partie de l'édifice soit évidemment une addition au monument primitif, je suis faché de la voir ainsi encombrée. J'aurais voulu que dans la restauration nouvelle on n'ajoutat rien à ce que le temps nous a laissés; qu'on se bornat à nettoyer et à consolider. Dans quelques endroits on a recouvert les murs d'un enduit nouveau, et c'est un tort grave, car il imposait de conserver religieusement l'apparence ancienne des murailles, qui ont été réparées autrefois à différentes reprises. Comment pourra-t-on aujourd'hui comparer les positions antiques avec celles qui ont été retouchées ? Où trouver maintenant des renseignements certains sur l'origine de l'édifice ? |
" Après les arènes, le monument le plus ancien de Poitiers est l'édifice singulier connu sous le nom de Temple Saint-Jean. Les nombreuses dissertation auxquelles il a donné lieu et un rapport M. Vitet, mon prédécesseur, me dispensent d'en faire la description. Je me contenterais de vous entretenir des réparations qu'on y fait depuis qu'une allocation de notre département vient d'en assurer la conservation, et d'examiner brièvement les différents systèmes présentés sur son origine. D'après la décision prise récemment le temps Saint-Jean doit être un musée. Il m'a semblé que dans les travaux qu'on y a exécutés on avait été préoccupé plutôt de le rendre propre à cette destination, que de lui conserver son aspect et son caractère original. Le long des murs, afin de placer des statues, on a établi un soubassement en maçonnerie, revêtu de pierres de taille qui ont l'inconvénient de cacher le bas des colonnes engagées dans les parvis, a celui de rétrécir les dimensions à la salle principale. Des sellettes mobiles en bois eussent été préférables. au milieu de l'apside, on a élevé également un socle en maçonnerie d'un si grand diamètre, qu'il en remplit presque tout l'intérieur. Bien que cette partie de l'édifice soit évidemment une addition au monument primitif, je suis faché de la voir ainsi encombrée. J'aurais voulu que dans la restauration nouvelle on n'ajoutat rien à ce que le temps nous a laissés; qu'on se bornat à nettoyer et à consolider. Dans quelques endroits on a recouvert les murs d'un enduit nouveau, et c'est un tort grave, car il imposait de conserver religieusement l'apparence ancienne des murailles, qui ont été réparées autrefois à différentes reprises. Comment pourra-t-on aujourd'hui comparer les positions antiques avec celles qui ont été retouchées ? Où trouver maintenant des renseignements certains sur l'origine de l'édifice ? |
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Je ne rapporterai sur cette question très controversée que les deux [...] les plus accrédités et qui partagent les antiquaires. Les un en font une église, ou plutôt un baptistère du cinquième ou sixième siècle; les autres y voient un tombeau romain de la fin du troisième ou du commencement du quatrième siècle. Tous s'accordent à regarder l'apside et l'avant-corps du bâtiment comme fort postérieur à la salle carrée qui forme le milieu de la construction. |
Je ne rapporterai sur cette question très controversée que les deux [...] les plus accrédités et qui partagent les antiquaires. Les un en font une église, ou plutôt un baptistère du cinquième ou sixième siècle; les autres y voient un tombeau romain de la fin du troisième ou du commencement du quatrième siècle. Tous s'accordent à regarder l'apside et l'avant-corps du bâtiment comme fort postérieur à la salle carrée qui forme le milieu de la construction. |
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+ | A l'appui de leur opinion, les premiers font remarquer la grossièreté de l'exécution générale, les colonnes d'inégales hauteur qui paraissent enlevées à des monuments antiques, les incrustations en terre cuite, les briques mêlées aux pierres, la croix sculptée sur les frontons, les parement des murailles qui diffère à quelques égards de l'appareil romain (1). Enfin le grand trou revêtu de mortier vers le milieu de la salle, leur semble indiquer la piscine, le lieu où se faisait le baptême par immersion, tel qu'on l'administrait dans la primitive églises. |
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− | A l'appui de leur opinion, les premiers font remarquer la grossièreté de l'exécution générale, les colonnes |
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+ | (1) Les pierres ont quatorze ou quinze pouce de longueur sur trois ou trois et demie d'épaisseur. Celles qu'on trouves les plus commencèrent dans les édifices romains, n'ont guère plus de sept ou huit pouces de long et trois d'épaisseur. |
Version actuelle datée du 9 octobre 2018 à 16:06
p.370-375 (Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France, par Prosper Mérimé, inspecteur général di monument historique de France. Extrait d'un rapport adressé à M. les Ministres (Paris. Foursuier 1836)
" Après les arènes, le monument le plus ancien de Poitiers est l'édifice singulier connu sous le nom de Temple Saint-Jean. Les nombreuses dissertation auxquelles il a donné lieu et un rapport M. Vitet, mon prédécesseur, me dispensent d'en faire la description. Je me contenterais de vous entretenir des réparations qu'on y fait depuis qu'une allocation de notre département vient d'en assurer la conservation, et d'examiner brièvement les différents systèmes présentés sur son origine. D'après la décision prise récemment le temps Saint-Jean doit être un musée. Il m'a semblé que dans les travaux qu'on y a exécutés on avait été préoccupé plutôt de le rendre propre à cette destination, que de lui conserver son aspect et son caractère original. Le long des murs, afin de placer des statues, on a établi un soubassement en maçonnerie, revêtu de pierres de taille qui ont l'inconvénient de cacher le bas des colonnes engagées dans les parvis, a celui de rétrécir les dimensions à la salle principale. Des sellettes mobiles en bois eussent été préférables. au milieu de l'apside, on a élevé également un socle en maçonnerie d'un si grand diamètre, qu'il en remplit presque tout l'intérieur. Bien que cette partie de l'édifice soit évidemment une addition au monument primitif, je suis faché de la voir ainsi encombrée. J'aurais voulu que dans la restauration nouvelle on n'ajoutat rien à ce que le temps nous a laissés; qu'on se bornat à nettoyer et à consolider. Dans quelques endroits on a recouvert les murs d'un enduit nouveau, et c'est un tort grave, car il imposait de conserver religieusement l'apparence ancienne des murailles, qui ont été réparées autrefois à différentes reprises. Comment pourra-t-on aujourd'hui comparer les positions antiques avec celles qui ont été retouchées ? Où trouver maintenant des renseignements certains sur l'origine de l'édifice ? Je ne rapporterai sur cette question très controversée que les deux [...] les plus accrédités et qui partagent les antiquaires. Les un en font une église, ou plutôt un baptistère du cinquième ou sixième siècle; les autres y voient un tombeau romain de la fin du troisième ou du commencement du quatrième siècle. Tous s'accordent à regarder l'apside et l'avant-corps du bâtiment comme fort postérieur à la salle carrée qui forme le milieu de la construction. A l'appui de leur opinion, les premiers font remarquer la grossièreté de l'exécution générale, les colonnes d'inégales hauteur qui paraissent enlevées à des monuments antiques, les incrustations en terre cuite, les briques mêlées aux pierres, la croix sculptée sur les frontons, les parement des murailles qui diffère à quelques égards de l'appareil romain (1). Enfin le grand trou revêtu de mortier vers le milieu de la salle, leur semble indiquer la piscine, le lieu où se faisait le baptême par immersion, tel qu'on l'administrait dans la primitive églises.
(1) Les pierres ont quatorze ou quinze pouce de longueur sur trois ou trois et demie d'épaisseur. Celles qu'on trouves les plus commencèrent dans les édifices romains, n'ont guère plus de sept ou huit pouces de long et trois d'épaisseur.